A l’image de Ouaga 2000, Bamako, capitale du Mali, possède aussi son quartier résidentiel dénommé «Hamdalaye ACI 2000». Entre les villas et les immeubles, il se trouve un maquis-restaurant burkinabè appelé «Sous-bois». Ce nom n’est pas un hasard, car niché sous des bambous lui donnant un cadre presque paradisiaque. Sa renommée semble avoir dépassé les frontières, au regard de l’affluence que draine ce lieu de détente où on trouve des mets africains et singulièrement burkinabè avec le poulet flambé burkinabè. Son propriétaire est un homme d’affaires burkinabè qui a quitté son pays natal en 2008 pour des raisons politiques et a décide de poser sa valise au Mali. Lui, c’est l’enfant de Bané dans le Boulgou (Tenkodogo), arrivé au Mali le 28 décembre 2009, Ahmed Larba Kéré a fini par devenir le meilleur vendeur de poulets flambés burkinabè dans ce pays. Faisons connaissance avec cet homme d’affaires hors pair.
L’Economiste du Faso : Expliquez-nous comment vous vous êtes retrouvé en tant que Burkinabè à être propriétaire d’un maquis-restaurant ici au Mali ?
Ahmed Larba Kéré : Avant de quitter mon pays le Burkina Faso en 2008, j’évoluais dans le domaine des affaires qui marchait bien pour moi. Mais entretemps, j’ai eu quelques démêlés avec les autorités politiques de l’époque et c’est là que j’ai déposé mes valises en Guinée Conakry où j’avais des contacts avec la Présidence de la République. Après un an là-bas, j’ai eu un contact au Mali avec un ancien conseiller du Président Amadou Toumani Touré pour livrer 2 millions de tonnes de ciment sur l’ensemble du territoire malien. Au regard de mes prestations satisfaisantes, le gouvernement malien m’a confié la livraison du ciment du 3e pont. Sinon que l’idée du maquis-restaurant dénommé « Sous-bois » est venue du fait que je voulais créer un cadre enchanteur pour favoriser le regroupement des Burkinabè vivant au Mali. C’est ainsi que j’ai installé le maquis dans le quartier Hamdalaye ACI 2000 en débutant avec la vente du « pouré, foie,cœur, langue » et le « poulet flambé » tant prisé au pays natal. Avec l’engouement de la clientèle, cela m’a plus donné le courage de poursuivre sur cette lancée. Dieu merci, aujourd’hui, il n’y a pas un seul Burkinabè qui ne fréquente pas ce maquis. Au- delà des clients constitués de Burkinabè et de Maliens, le maquis est également fréquenté par des Ivoiriens, des Rwandais, des Centrafricains, des Gabonais, des Togolais…franchement, nous recevons toutes les nationalités venues de divers horizons. Du reste, mon chiffre d’affaires par an est fait de 60% venant de la clientèle étrangère. « Le sous-bois » est à la limite un carrefour de rencontres et d’échanges. Au-delà du business, le fait d’arriver à regrouper les Burkinabè en un seul endroit est une fierté pour moi. Pour faciliter ces rencontres, même pour celui qui ne connaît pas le maquis, j’ai mis en place un système de géolocalisation à travers Google. En plus du maquis, je continue d’évoluer dans la livraison du ciment, matériel informatique et divers.
En plus du poulet flambé, quoi d’autre trouve-t-on au maquis « Sous-bois » ?
Ici, le client à l’embarras du choix, car il peut avoir le menu qu’il souhaite. Les mets locaux burkinabè (benga, gonré…), des mets togolais, des mets ivoiriens… A titre d’exemple, le 8 mars 2019, j’ai organisé un spécial 8-Mars avec comme particularité la vente des mets locaux burkinabè, la musique burkinabè. Cette initiative a été bien appréciée par les autres communautés qui ont eu du plaisir à fêter avec nous. Cette cérémonie qui a été présidée par l’épouse de l’Ambassadeur du Burkina Faso au Mali a refusé du monde. Aujourd’hui, tu cherches du bon poulet flambé burkinabè, tu es obligé de venir au « Sous-bois ». Il y a des jours, je vends jusqu’à 300 poulets. Il y a beaucoup de personnalités maliennes qui commandent mes poulets flambés et ces dernières découvrent le Burkina Faso à travers le « sous-bois ». Et cela me rend fier de faire connaître la culture burkinabè à d’autres personnes. Il y a trois ou quatre jours, nous avons reçu des comédiens burkinabè.
Lesquels ?
Abdoulaye Kouboudri dit « fils de l’homme » et Alain Héma dit Marc dans la série Super flic
Avez-vous une idée du nombre de clients qui fréquentent chaque jour le maquis ?
Par semaine, le maquis enregistre entre 5000 et 5500 clients. Les weekends, j’atteinds les 3000 clients.
Tout cela vous rapporte combien en termes de chiffres d’affaires ?
Sans rentrer dans les détails, je puis vous rassurer que le maquis-restaurant « Sous-bois » est très rentable financièrement. J’en tire des bénéfices avec le maquis, la restauration et l’animation musicale.
Est-ce qu’on y joue spécifiquement la musique burkinabè ?
Oui. L’orchestre interprète la musique des chanteurs burkinabè tels que Georges Ouédraogo, Jean-Claude Bamogo et bien d’autres.
Vous employez combien de personnes ?
55 employés à ce jour. La majeure partie sont des Maliens, des Ivoiriens, des Togolais, des Béninois, des Burkinabè. Ici, j’ai des employés qui peuvent toucher jusqu’à 200 000 FCFA par mois. Dans ce maquis, j’applique un système américain basé sur la tâche. C’est-à-dire que les hôtesses sont payées sur chaque bouteille vendue. Avec ce système, certaines peuvent me vendre entre 150 et 300 caisses par mois.
Vous êtes donc un gros créateur d’emploi ici au Mali ?
(Rire) Plus au moins.
Avec votre expérience réussie, quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes burkinabè, voire africains que se lancer dans l’entrepreneuriat n’est pas une fatalité ?
Il faut d’abord que ces jeunes croient en ce qu’ils veulent devenir demain. Et qu’ils aient confiance en eux, qu’ils se disent je dois réussir dans ma vie. Avec ce credo, tu es obligé de te battre. Moi, j’ai entamé l’aventure depuis ma jeunesse en allant aux Etats-Unis où j’ai passé 11 ans dans les affaires. Mon premier bénéfice que j’ai eu dans le domaine des affaires c’était sur le continent africain, avec un montant de 100 millions FCFA. Donc, c’est pour dire aux jeunes que la réussite dans les affaires en Afrique est bien possible. Il ne faut pas être paresseux, il faut être ambitieux. Moi, j’ai démarré les activités du maquis sans un seul soutien d’une personne morale ni physique. J’ai investi sur fonds propres et je continue de le faire jusqu’à nos jours.
Quel est l’impact de la situation sécuritaire qui prévaut au Mali sur vos activités ?
C’est vrai que nous vivons une situation sécuritaire très difficile, mais des dispositions sécuritaires sont prises pour parer à toute éventualité. En plus des vigiles qui surveillent les entrées du maquis, j’ai aussi fait appel aux Forces de sécurité maliennes qui font la ronde chaque vingt minutes pour dissuader tout éventuel trouble à l’ordre public. Avec la bénédiction de mes parents, rien ne va m’arriver ici.
Je suis actuellement en train de construire un bar à côté du maquis « Sous-bois » pour une certaine clientèle. En plus de cela, je suis en train d’ouvrir un deuxième maquis-restaurant « Sous-bois » au bord du fleuve.
Interview réalisée par Ambèternifa Crépin SOMDA