Le 30 avril 2019, le gouvernement lançait le logo type qui sera désormais apposé sur les pagnes tissés «Faso Dan Fani». Ce processus de labellisation est mené par le Centre national pour la propriété intellectuelle (CNPI). Concrètement, comment va s’opérer cette labellisation et qu’en est-il des autres produits locaux concernés ? Est-ce que ce processus va mettre fin à la contrefaçon du pagne tissé «Faso Dan Fani»? Y a-t-il des avantages commerciaux à la labellisation? Voilà autant de questions que L’Economiste du Faso a posées au Directeur général du CNPI, Mahamadi Tassembédo. C’était le mercredi 15 mai 2019 à Ouagadougou.
L’Economiste du Faso: Dans le cadre de la valorisation et la protection des produits locaux, le gouvernement burkinabè a décidé de labelliser le pagne traditionnel tissé par les femmes appelé «Faso Dan Fani». Cette volonté a été matérialisée le 30 avril 2019 avec le lancement du logo type. Dites-nous concrètement comment cela va-t-il se matérialiser sur les pagnes?
Mahamadi Tassembédo, DG du Centre national pour la propriété intellectuelle: La labellisation sur le terrain va se traduire par l’identification sous forme de logo des pagnes tissés qui va remplir ou respecter un certain nombre de critères édictés dans les cahiers des charges mais également contenus dans un règlement d’usage du label. Donc, les pagnes tissés qui vont respecter ces différentes conditions vont pouvoir apposer sur le logo «Faso Dan Fani» qui va les distinguer des autres types de pagne tissé au Burkina Faso et ailleurs. Le logo sera apposé sur les pagnes des groupements et associations évoluant dans le domaine du tissage et ayant soumissionné pour l’usage du label et ayant reçu l’autorisation du comité national des indications géographiques et des marques collectives sous peine d’être astreint devant les juridictions pour contrefaçon.
Au Burkina Faso, chaque région dispose de son pagne Faso Dan Fani, même la manière de tisser est différente, ensuite, certains tisserands continuent de le tisser de façon traditionnelle et d’autres le font de façon semi-industrielle, comment dans ce mélange, la labellisation va-t-elle s’opérer?
Il faut dire que pour arriver à l’élaboration du cahier des charges, les différents acteurs censés utiliser le label ont été associés à tout le processus. Dans ce cahier des charges, on a pris en compte les aspects communs des pagnes tissés qu’on peut retrouver dans les 13 régions du Burkina Faso. Notre objectif est d’arriver à une standardisation des pagnes tissés Faso Dan Fani. Car, il est précisé dans le cahier des charges, le type de fil à être utilisé, le type de machine à tisser, la technicité, le type de teinture et les modalités pratiques du stockage et du tissage, autant d’éléments auxquels si tout acteur accepte de se soumettre doit pouvoir arriver à un produit homogène par rapport à ce qu’on peut rencontrer dans les régions.
Sinon, ce que vous dites est vrai, parce que chaque région a sa particularité, surtout en termes de design. Mais, nous avons pris tout cela en compte pour éviter la contrefaçon, l’imitation des pagnes tissés Faso Dan Fani sous forme de pagne industriel.
Nous avons collecté 400 motifs des différentes régions avec l’accompagnement de la Fédération nationale des tisserands du Burkina Faso qui sont sur la voie de la protection au niveau de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) pour empêcher que des opérateurs économiques malhonnêtes ne puissent reproduire de façon industrielle ces motifs et les inonder sur le marché burkinabè.
Malgré ces précautions, n’empêche qu’il y a des pays dans le monde qui sont très forts dans la reproduction, l’imitation et la contrefaçon, est-ce que cette labellisation arrivera à freiner cela?
Vous savez, ce qui a motivé cette politique de labellisation est justement de limiter la contrefaçon. Car, nous avons constaté que sur le terrain, on retrouve des motifs des pagnes industriels reproduisant les motifs des pagnes tissés du Burkina Faso. C’est justement pour contrer cette reproduction illégale et permettre aux acteurs du domaine d’accroître leurs revenus que le gouvernement a initié ce projet pour aussi protéger notre identité culturelle qui est le Faso Dan Fani mais également lutter contre la concurrence déloyale et accroître la compétitivité du pagne tissé. Toujours à propos de la contrefaçon, l’autorité entend s’opposer à l’entrée sur le territoire burkinabè, des tissus industriels reproduits sur la base des motifs que le Burkina Faso a protégés auprès de l’OAPI.
Aussi, le Burkina Faso entend s’opposer dans les pays industriels qui peuvent reproduire les motifs burkinabè. Les fautifs seront attaqués devant les instances internationales pour pouvoir rétablir les droits, cela peut aller jusqu’à la saisie de la marchandise, la destruction de la marchandise et au paiement des amendes et même que le fautif peut faire la prison.
Quelle structure au Burkina Faso sera chargée de l’authenticité du logo?
Dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet pilote, le ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat a mis en place le comité national des indications géographiques et des marques collectives. Ce comité a été institué le 17 avril 2019 par le Conseil des ministres pour régir les modalités pratiques de promotion et de valorisation des produits de terroirs. Ce comité sera l’organe qui sera chargé de valider les documents d’utilisation du label Faso Dan Fani et des autres types de label et prendre les sanctions qui s’imposent en cas de non-respect des clauses du cahier des charges et du règlement d’usage. Dans ce comité, il est prévu des sous-comités sectoriels techniques. Le CNPI joue le rôle de secrétariat technique de ce comité. Ce comité aura aussi pour rôle de veiller à ce que le patrimoine culturel ne fasse d’appropriation illicite ou de reproduction. Il est prévu qu’il y ait un mécanisme de traçabilité du label Faso Dan Fani de telle sorte que les gens aient la possibilité de pouvoir vérifier de son authenticité.
Quelle sera la suite du processus pour les autres produits locaux tels que le beurre de karité, le chapeau de Saponé et les peaux et cuirs de Kaya?
Effectivement, le projet pilote concerne ces trois produits aussi. Le processus de labellisation du Faso Dan Fani est presque fini, il reste juste à permettre aux utilisateurs potentiels de l’utiliser et de le commercialiser. Pour ce qui est du chapeau de Saponé, le processus de labellisation est enclenché depuis le 7 avril 2019, avec une rencontre avec la population et les notabilités.
A ce jour, nous avons déjà élaboré les statuts et règlement intérieur qui vont organiser la coopérative des fabricants du chapeau de Saponé (même ce matin, il y a une rencontre avec le chef de Saponé pour recueillir un certain nombre d’informations). Après, nous organiserons un atelier de sensibilisation pour montrer le bien-fondé de la labellisation. Il faut savoir que pour le chapeau de Saponé, ça ne sera pas une marque collective mais elle se fera sous la forme «des indications géographiques», c’est un outil utilisé pour protéger des produits issus d’une région dont les caractéristiques sont liées à la région, à l’origine ou au savoir-faire local. Et le chapeau de Saponé répond à ces critères, il est ancestral, historique et le savoir-faire est local. Pour le beurre de karité et les peaux et cuirs de Kaya, dans les semaines, voire les mois à venir, nous allons enclencher le processus de labellisation.
Quels en sont les avantages commerciaux de la labellisation?
Nous sommes dans un monde concurrentiel où tout produit doit s’identifier. Et déjà, avoir un label qui dit que ce produit répond à un certain nombre de qualités, de normes et provient d’un tel pays, tout cela a un impact sur la compétitivité du produit. Le fait que le label est sur le produit, cela donne une confiance aux consommateurs sur la qualité du produit. Au niveau international, cela va davantage crédibiliser le produit et l’identifier par rapport aux autres types du pagne tissé dans le monde.
Le Burkina Faso n’est pas le seul pays au monde à mettre sur le marché des produits tissés, mais le Burkina Faso est le seul pays où apposera sur les pagnes tissés le label «Faso Dan Fani». Avec la labellisation, le pagne FDF sera plus compétitif sur le marché et redonnera plus de confiance aux stylistes à l’utiliser lors de leurs défilés de mode.
Interview réalisée par Ambèternifa Crépin SOMDA
OAPI accompagne 250 entreprises par an
L’Economiste du Faso: Est-ce que le Centre national pour la propriété intellectuelle œuvre à la protection des produits locaux des entreprises burkinabè?
Mahamadi Tassembédo, DG du Centre national pour la propriété intellectuelle: Il faut dire que la mission principale du CNPI est d’accompagner les acteurs économiques, toutes tendances confondues, à acquérir des droits sur tout ce qu’ils ont eu à inventer ou innover. Que ça soit sur le plan de l’invention, de l’esthétique, des marques de produits ou des noms des entreprises. Nous les aidons aussi à mieux exploiter ces actifs matériels dont les entreprises disposent.
Quel est à ce jour le nombre d’entreprises que le CNPI accompagne pour la protection des noms commerciaux, la forme des créations, les noms des produits ou les technologies développées?
250 entreprises, toutes tendances confondues, par an. C’est très faible mais c’est la tendance au niveau de l’OAPI.
Est-ce que le CNPI enregistre à son niveau, des plaintes sur des cas de contrefaçon de logo, d’usurpation d’une marque déposée entre entreprises installées au Burkina Faso?
Le CNPI enregistre chaque deux jours, des plaintes sur des copies, des imitations, des reproductions soit disant illicites d’un de ses actifs immatériels (le nom de son entreprise, la forme de ses objets, le nom de ses produits ou service). Malheureusement, tous nos plaignants viennent dès qu’il y a un problème et en ce moment, c’est déjà tard. Dés lors que vous avez mûri votre idée, vous l’avez matérialisée avant que cela soit diffusé, l’idéal c’est de vous entourer des garde-fous nécessaires pour éviter que quelqu’un ne se réclame propriétaire.