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Crise à la SN SOSUCO «Les travailleurs n’ont jamais manqué de salaire»

Dixit Mouctar Koné

A la suite de l’Assemblée générale des travailleurs de la SN SOSUCO, L’Economiste du Faso a approché le directeur général de la société, Mouctar Koné, qui a bien voulu lui accorder une interview. Au cours de l’entretien, il est ressorti que le DG estime que les travailleurs refusent de voir la réalité en face. Selon lui, ils devraient se sentir concernés par la mévente de leur production au même titre que la direction générale. Lisez plutôt !

– L’Economiste du Faso : Avez-vous reçu les conclusions de l’Assemblée générale que vos travailleurs ont tenue le 10 octobre 2015 ?
Mouctar Koné : C’est vrai que les travailleurs ont tenu une Assemblée générale, mais je n’ai pas eu en réalité de vraies informations à propos. Mais les délégués du personnel sont venus me dire qu’ils se sont réunis et que les militants à la base ont dit que la mévente du sucre n’est pas leur affaire. En termes beaucoup plus clairs, vente de sucre ou pas, ils s’en foutent, ils veulent juste leurs salaires.

– Comment avez réagi à de tels propos ?
Je leur ai dit de convenir avec moi que c’est ce qu’on appelle la politique de l’autruche qui consiste à refuser de voir la réalité en face, fermer les yeux sur les difficultés réelles que traverse l’entreprise pour avoir des exigences. Nous avons pris acte. De toute façon, jusqu’à aujourd’hui, jamais les travailleurs n’ont manqué de salaire.
Il y a eu parfois des retards, mais nous nous employons toujours à faire en sorte qu’ils aient leurs salaires. S’il arrive qu’ils ne l’aient pas, cela ne sera pas de notre faute, dans la mesure où nous ne pouvons pas fabriquer de l’argent pour payer les gens. Vous savez, il y a différentes attitudes au niveau des travailleurs de la SN SOSUCO et de par mon expérience personnelle, les attitudes jusqu’au-boutistes visant jusque-là à rechercher l’affrontement à tout prix n’ont jamais été bénéfiques à personne.
Les grandes avancées que les travailleurs ont obtenues, les décisions qui ont été très favorables aux travailleurs, ont été obtenues dans un climat de franche collaboration, de dialogue et d’échanges. Si fait que certains délégués qui usaient de ces techniques pour obtenir certaines choses, même au profit d’autres travailleurs, ont été taxés de vendus. Mais au fait, les gens ne se rendent pas compte que nous ne sommes pas dans un système où la direction veut à tout prix brimer les travailleurs.
Dans la tête de certains, il faut engager une lutte permanente contre la direction parce que celle-ci veut toujours les brimer. Ce temps-là, je l’estime est passé.
Il peut exister dans certaines entreprises, mais à SOSUCO et dans le groupe même auquel la SOSUCO appartient, il y a des règles de déontologie et de comportement qui font qu’on ne peut penser en aucun moment à brimer un travailleur.
– Vous ressentez aujourd’hui que les travailleurs manquent de solidarité avec la direction générale ?
A entendre ce que leurs représentants m’ont dit, il n’y a aucune solidarité. C’était clair, pour eux, la mévente n’est pas leur affaire. Quand on dit ça, ça veut dire débrouillez-vous pour nous payer nos salaires.

– Quels efforts déploie la direction générale pour sortir la SOSUCO de cette crise due à la mévente ?
Pour sûr, nous ne restons pas les bras croisés. Nous avons décidé depuis un certain temps, et on l’avait même annoncé, d’avoir notre propre réseau de distribution. Jusque-là, nous étions dans un schéma qui était que la SOSUCO vende aux grossistes qui à leur tour vendent aux demi-grossistes, ainsi de suite jusqu’aux détaillants.
Mais nous nous rendons compte que ce schéma ne marche pas et nous avons décidé d’installer petit à petit nos propres points de vente. Parce que nous nous sommes rendu compte que nous sommes interpellés par beaucoup de gens qui cherchent notre sucre mais qui ne le trouvent pas.
En réalité, ce n’est pas parce que les gens ne veulent pas notre sucre. On entend souvent dire que le sucre de la SN SOSUCO coûte cher, mais cela n’est pas vrai car notre sucre n’est pas beaucoup plus cher que le sucre importé.
Et si au niveau du sucre granulé notre sucre est beaucoup plus cher que celui importé, c’est essentiellement dû au phénomène de la fraude, car un sucre qui rentre sans payer les droits d’entrée va forcément se vendre à un prix plus intéressant que la production nationale assujettie à toutes les taxes.

– Mais il y en a qui importent légalement leur sucre…
Certes, mais eux aussi ont des problèmes avec ceux qui fraudent, quand bien même le sucre importé légalement bénéficie d’une subvention de la part de l’Etat.
Et c’est cette subvention déguisée qui fait qu’il revient un peu moins cher que le sucre de la SN SOSUCO. Sinon, en sucre morceaux, le nôtre est beaucoup moins cher que le sucre importé, sauf s’il est rentré par fraude.
– Qu’attendez-vous du gouvernement pour vous aider à sortir de cette crise ?
Ce que nous attendons du gouvernement est relativement simple. Nous attendons de lui qu’il mette tous les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et que la concurrence soit loyale entre eux. Nous attendons également qu’il lutte contre la fraude et supprime la subvention qui favorise le sucre importé au détriment du sucre national. Et pour ce qui est de la délivrance des autorisations spéciales d’importer, il faut dire que nous avons un marché qui n’est pas élastique.
Nous avons un marché de tout au plus 100.000 tonnes par an. Nous, nous en produisons tout au plus 35.000 tonnes, ce qui veut dire qu’il y a de la place pour l’importation. On ne peut pas interdire l’importation au Burkina, mais un marché ça se régule.

– Comment se présente la situation à la SN SOSUCO aujourd’hui en termes de stocks?
A ce jour, nous avons au moins 17.000 tonnes de sucre non vendues. Ce qui représente plus de la moitié de ce que nous avons produit l’année dernière.

– Dans ces conditions, comment envisagez-vous et préparez-vous la campagne prochaine ?
Déjà, nous sommes et nous restons optimistes. Pour préparer la campagne, il nous aurait fallu obtenir les financements nécessaires pour acheter un certain nombre de matériels entrant dans le cadre des révisons. Il fallait faire de la réparation au niveau de l’usine. Maintenant, le fait que nous n’avons pas pu vendre ce que nous devrions vendre jusqu’à présent nous a empêchés de réaliser ce que nous voulions faire pour réellement augmenter les capacités et le rendement de l’usine.
Mais nous allons essayer de démarrer dans la situation de l’année dernière alors que nous aurions préféré améliorer réellement parce qu’une usine ça vieillit, il y a des choses qu’il faut changer mais qu’on n’arrive pas à changer.
On se débrouille, on rafistole pour repartir. Autrement, la mévente nous a sérieusement handicapés, mais nous maintenons notre date de démarrage qui est le 1er novembre 2015 et pensons respecter ce rendez-vous s’il n’y a pas de problème particulier.
Sy Amir LOOKMAN

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