Depuis l’affaire des produits périmés, des regards se tournent vers le Laboratoire national de santé publique. Quel est son rôle ? Quels types de produits sont soumis au contrôle de Qualité à la demande de l’importateur ? Comment se font les analyses de qualité sanitaire des aliments ? Voici les questions auxquelles a répondu le directeur général du laboratoire, Koiné Maxime Drabo, pour L’Economiste du Faso.
– L’Economiste du Faso: La règlementation actuelle amène les importateurs à s’adresser au Lnsp pour le contrôle de la qualité des produits alimentaires tout comme certains services du ministère du Commerce. Cela ne crée-t-il pas un problème d’harmonie?
Koiné Maxime Drabo : L’arrêté conjoint N°2008-08 /Ms/Mcpea/Mef du 14 janvier 2008, portant fixation de la liste des produits soumis au certificat national de conformité et au certificat de qualité sanitaire, précise, à son article 1, la liste des produits dont la mise à la consommation au Burkina Faso est soumise à l’obtention préalable d’un certificat de qualité sanitaire.
De même, en son article 3, il précise la liste des produits alimentaires dont le contrôle de Qualité est effectué à la demande de l’importateur ou du distributeur, avec néanmoins la possibilité pour le Lnsp d’effectuer, à la charge de l’importateur ou du distributeur, le contrôle de la qualité sanitaire de ces produits dans les surfaces et entrepôts, pour les besoins de surveillance sanitaire ou en cas de crises sanitaires.
Toutefois, dans le cadre du rôle régalien de l’Etat en matière de protection de la santé des populations, aucun autre département que le ministère de la Santé n’est mieux placé pour détecter et gérer le risque sanitaire lié à la consommation des produits alimentaires au Burkina Faso. Le Lnsp, au regard de ses missions contenues dans le décret N°2003-478/Pres/Pm/Ms modifiant le décret N° 99-377/Pres/Pm/Ms du 28 Octobre 1999 portant création du Laboratoire national de santé publique, est l’instrument mis en place à cet effet.
Il n’y a pas de disharmonie, de notre point de vue, dans la mesure où le champ d’action du ministère en charge du Commerce et celui du ministère de la Santé sont bien définis. Du reste, nous sommes engagés, avec l’Agence burkinabè de normalisation, de la métrologie et de la qualité (Abnorm), dans une dynamique de collaboration en vue d’assurer au mieux la continuité dans la détection et la gestion du risque sanitaire, depuis l’importation jusqu’à la fin du cycle de vie du produit sur le marché.
– Comment concilie-t-on, vos contrôles et ceux du ministère du Commerce pour une meilleure protection du consommateur ?
Je ne parlerai pas d’insuffisance et je nuancerai la notion de «vrai contrôle sur la qualité des produits». Comme je l’ai dit plus haut, les activités de contrôle et d’inspection sont bien définies et participent toutes à l’évaluation de la conformité d’un produit. L’évaluation de la conformité peut être comprise comme l’examen systématique du degré de satisfaction d’un produit, d’un processus ou d’un service, aux exigences spécifiées. Elle comprend la certification, l’inspection et le contrôle de Qualité.
Cette conformité peut donc être considérée du point de vue de la qualité sanitaire (absence de germes ou de contaminants par exemple) ou, plus généralement, du point de vue des déclarations du fabricant (information sur l’étiquette par exemple) et des caractéristiques relatives à l’utilisation du produit.
A titre d’exemple, lorsque j’achète un litre d’huile alimentaire, je me préoccupe d’une part de la qualité sanitaire de l’huile, d’autre part de la justesse de la quantité (1litre), de la qualité de l’emballage et de la disponibilité d’informations me permettant de me donner une certaine assurance quant au respect de certaines bonnes pratiques fixées par la réglementation (étiquetage par exemple). La métrologie (scientifique, légale, industrielle) est incontournable, car sans elle on ne pourrait pas mettre en application les normes et on ne pourrait pas évaluer la conformité d’un produit.
La métrologie légale (application d’exigences réglementaires à des mesurages et à des instruments de mesure), par exemple, se charge de vérifier/contrôler la fiabilité et la conformité des mesures pratiquées, afin de s’assurer que l’utilisateur ou le client n’est pas «lésé». Ce type de métrologie s’applique au commerce, à la santé, à la sécurité, aux expertises judiciaires et à l’environnement.
Le contrôle de Qualité, quant à lui, s’intéressera alors à la conformité des caractéristiques intrinsèques du produit avec les exigences normatives spécifiées. Il faut donc parler de complémentarité entre les deux dans le dispositif d’évaluation de la conformité.
– Quelle idée de réorganisation du contrôle de la qualité des produits à l’entrée, sur les surfaces et dans les entrepôts peut-elle être mise en œuvre pour le rendre plus efficace ?
Le dispositif actuel prévu par la réglementation fixe déjà les prérogatives de chaque institution impliquée dans l’évaluation de la conformité des produits, notamment alimentaires. En effet, des services de normalisation et d’inspection existent (Douanes, Cotecna, Abnorm, Direction de la protection des végétaux et du conditionnement, Direction générale des services vétérinaires, Agence nationale de biosécurité, etc.) en amont du Lnsp. Leurs expertises respectives permettraient d’éviter au Lnsp d’analyser des produits qu’ils auraient déclarés non-conformes.
Il suffit alors d’apporter l’assistance nécessaire à chaque institution, tout en évitant les conflits de compétences et d’intérêt, pour que le processus d’évaluation de la conformité se fasse correctement.
Pour revenir à votre question de la réorganisation du contrôle de la qualité des produits alimentaires, je suppose, le dispositif suivant peut être préconisé afin d’assurer une détection systématique et continue du risque sanitaire :
– mettre en place un système de partage systématique d’informations entre les administrations chargées du contrôle (informations sur les Déclarations préalables à l’importation (Dpi), les Autorisations spéciales d’importation (Asi) ou agréments, les données de l’inspection des produits, les statistiques d’importation, etc.) ;
– rendre obligatoire la signature de conventions de partenariat entre le Lnsp et les centrales d’achat, les gros importateurs et les représentants de marques ;
– contrôler, par le Lnsp, la qualité des produits alimentaires, à l’entrée (ce que le Lnsp réalise déjà tant bien que mal);
– contrôler, par le Lnsp, la qualité des produits alimentaires dans les surfaces et les entrepôts, dans le cadre de la surveillance sanitaire et en cas de crises sanitaires, pour les produits du tableau dont je vous ai parlé;
– organiser des opérations conjointes avec les autres corps de contrôle pour détecter les produits non conformes dans le circuit de commercialisation des produits alimentaires;
– mettre en place un dispositif inter-institutionnel pour une gestion efficace des produits déclarés non-conformes (destruction, rappel de lot, etc.).
– Comment se font les analyses de qualité sanitaire des aliments ?
Vous posez là une question très pertinente, parce qu’il s’agit ici de vous parler de la «cuisine» en laboratoire. Les analyses microbiologiques des aliments demandent du temps et de la précision. Un ensemencement sur milieu spécialisé vous prend entre 3 à 8 jours avant toute interprétation. Le processus de confirmation ou de reprise peut vous consommer aussi entre 3 à 8 jours. Un autre exemple, l’étude de stabilité de la conserve prend au minimum 10 jours.
Les analyses physicochimiques prennent relativement moins de temps, 4 jours en moyenne.
Les analyses toxicologiques quant à elles demandent du temps surtout pour la confirmation des résultats.
Vous comprenez pourquoi on enregistre des plaintes relatives aux délais de mise à disposition des résultats. Le principe de «premier arrivé, premier servi» qui tient à cœur au Lnsp engendre des files d’attente comme on peut le voir dans les centres de santé.
Le nombre relativement limité des postes de travail n’arrange pas non plus cette situation.
– Combien de contrôles le LNSP effectue–t-il par an? y a–t-il des producteurs qui se soumettent volontairement aux contrôles sanitaires ?
Le Lnsp analyse en moyenne 2.500 échantillons de produits alimentaires, soit environ 18.000 contrôles, par an. Précisons cependant, en passant, que les aliments ne sont pas les seuls produits analysés par le Lnsp. Un petit tour sur nos plateaux techniques permettrait d’apprécier l’envergure de l’institution.En effet, quelques producteurs se soumettent volontairement aux contrôles sanitaires. En plus, le contrôle des produits alimentaires fabriqués localement est soumis à établissement de protocoles avec le Lnsp, pour le contrôle de qualité sanitaire des matières premières et des produits finis, conformément à l’article 4 de l’arrêté N°08-09/Ms/Mcpea/Mef du 14 janvier 2008 portant fixation des frais d’analyses dus lors de la délivrance du Certificat national de conformité et du Certificat de qualité sanitaire.
– Peut-on avoir les statistiques des contrôles? Combien de non-conformités et la suite réservée à celles-ci ? Quelle est la procédure si un produit est jugé dangereux?
En 2014, 2.061 échantillons de produits alimentaires ont été analysés dont 373 ont été déclarés non-conformes. La plupart des non-conformités sont relatives à l’étiquetage, à la teneur en iode du sel, à l’indice de peroxyde et aux traces de savon dans l’huile, à la présence de micro-organismes dans les plats cuisinés et produits laitiers. Ces non-conformités témoignent d’insuffisances dans les procédés de fabrication et de mauvaises pratiques d’hygiène. En cas de non-conformité majeure, une correspondance est adressée au client concerné pour prendre des mesures correctives lorsqu’elles s’appliquent ou interdire la mise à la consommation du produit. Si un produit est jugé dangereux, le Lnsp en réfère à sa hiérarchie du ministère de la Santé qui prend les dispositions idoines avec les autres départements ministériels pour la gestion de la non-conformité. Je rappelle ici encore la nécessité de mettre en place un dispositif inter-institutionnel pour une gestion efficace des produits déclarés non-conformes (destruction, rappel de lot, etc.).
– A la suite de l’affaire Obouf, la société productrice des bouillons Jumbo a diffusé un communiqué dans lequel elle estime que ses produits sont classés dans la catégorie des produits secs faisant l’objet seulement une Dluo (Date limite d’utilisation optimale) au lieu d’une Dlc (Date limite de consommation). Les bouillons ne présentent-ils aucun risque en tout temps ?
Les produits concernés par une Dlc sont généralement les charcuteries et viandes fraîches, le poisson, les produits laitiers, les plats cuisinés réfrigérés, etc., qualifiés de périssables. La Date limite d’utilisation optimale (Dluo) concerne des produits tels que les boissons gazeuses, les jus, les compotes, les purées, les produits secs, …Toutefois, les épices et bouillons peuvent offrir des conditions propices au développement de micro-organismes pathogènes et être sources de toxi-infections. Ils contiennent également des additifs (conservateurs, exhausteurs de goût, etc.) dont la qualité n’est pas toujours irréprochable. On ne peut donc pas affirmer que les bouillons ne présentent aucun risque en tout temps. D’ailleurs, aucun produit alimentaire n’a cette propriété dans l’absolu.
– Vu la situation sur le terrain, on a l’impression que la Dluo ne sert qu’à la décoration. Que signifie véritablement la Dluo ? N’y a-t-il pas abus dans son utilisation ?
L’apposition d’une date limite sur les denrées a pour objectif de faire connaitre au consommateur la limite au-delà de laquelle un aliment est susceptible d’avoir perdu ses qualités microbiologiques ou ses qualités organoleptiques, physiques, nutritives, gustatives, etc. Sur les emballages peuvent figurer deux types de dates : soit une Date limite de consommation (Dlc), impérative, soit une Date de durabilité minimale (Ddm), anciennement dénommée Date limite d’utilisation optimale (Dluo), indicative. Toutes les deux constituent génériquement des dates de péremption.
La Dluo est une date indiquée sur l’emballage de certaines denrées au-delà de laquelle leurs qualités organoleptiques (moins de goût, plus mou, plus sec,…) et/ou diététiques (perte de la teneur en vitamines, …) ne sont plus garanties.
La Dluo ne sert pas de décoration, car elle renseigne le consommateur sur des risques que le produit ne satisfasse plus toutes les exigences spécifiées au départ par le fabricant, passée une certaine date. Aussi, je ne parlerai pas d’abus dans son utilisation, mais plutôt de risques de confusion entre la Dluo et la Dlc. Tenez, j’ai vu sur le net qu’en France «l’Assemblée nationale devrait voter, le 3 mars 2015, la suppression de la Date limite d’utilisation optimale (Dluo) des produits alimentaires non périssables. Cette mesure vise à diminuer le gaspillage alimentaire qui est en partie dû à nos habitudes de consommation et de la confusion entre la Dluo, la date limite d’utilisation optimale, et la Dlc, la date limite de consommation». http://www.allodocteurs.fr/alimentation/suppression-de-la-dluo-contre-le-gaspillage-alimentaire_15713.html (1/4/2015 à 10h45). Pour ma part, la Dlc et la Dluo sont avant toutes des mesures de prévention des risques sanitaires d’origine alimentaire. De ce fait, je prône la prudence par excès lorsque la Dlc et/ou la Dluo sont/est arrivée(s) à terme. Il s’agit de ne pas consommer purement et simplement l’aliment concerné dans cette situation. En effet, il ne serait pas du tout responsable de jouer avec la santé des consommateurs en manipulant le sens des mots. Ici l’erreur par excès de prudence se justifie. Mieux vaut perdre de l’argent (en achetant plus cher, pour le client ou en retirant de la vente (commerçant) que de provoquer des maladies aux potentiels morbides ou mortels avérés. Ici le principe du «s’abstenir en cas de doute» se justifie parfaitement.
– La production de lait (yaourt) et de l’eau en sachet connait un boom. Sont-ils tous contrôlés par le labo ?
Pas du tout de nombreux importateurs et fabricants locaux échappent au contrôle de qualité par le Lnsp. Même ceux qui ont un système qualité dans leur chaîne de production devraient soumettre les produits finis à un contrôle externe pour une expertise impartiale et pour éviter les risques de conflit d’intérêt.
C’est ainsi que le Lnsp incite et propose des protocoles de partenariat pour un contrôle méthodique sur une durée d’au moins une année. Cette démarche a pour avantages de constituer pour le client une base de données indispensable pour la traçabilité des produits et leur qualité, ainsi que de réduire les coûts de contrôle. J’en profite pour lancer un appel à tous les producteurs locaux de produits alimentaires et des eaux préemballées à se faire contrôler régulièrement par le Lnsp, à travers des protocoles sur mesure. C’est une question de santé publique et j’en appelle à la responsabilité et au bon sens de chacun.
– Contrôler suppose des équipements modernes. Le labo a-t-il les moyens de sa politique ? Où en êtes-vous avec l’accréditation ?
Le Lnsp a les moyens matériels et humains de sa politique. Cependant, il a besoin de dispositions spéciales et d’accompagnement de ses tutelles technique et financière pour lui faciliter certaines procédures dans son fonctionnement.
Quant à l’accréditation, nous avons récemment reçu des missions d’audit et d’assistance technique et sommes en train d’appliquer les dernières mesures correctives en vue de l’audit d’accréditation. Pour finir, je lance un cri du cœur aux consommateurs. Le Lnsp a été créé pour analyser, contrôler et surveiller dans le but de protéger votre santé. Soutenez nous et faites-nous confiance. Nos portes vous sont grandement ouvertes, au siège au secteur 30 sur le Boulevard circulaire, à côté du Cma ex-secteur 30, en face de Cfao et dans nos antennes à Bittou, à Ouagarinter, à Ouaga-gare, au Port sec et au siège à Bobo-Dioulasso.
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Liste des produits soumis au contrôle de Qualité à la demande de l’importateur
Voici les produits alimentaires dont le contrôle de Qualité est effectué à la demande de l’importateur ou du distributeur, avec néanmoins la possibilité pour le Lnsp d’effectuer, à la charge de l’importateur ou du distributeur, le contrôle de la qualité sanitaire de ces produits dans les surfaces et entrepôts.